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AFTERSUN

Titre original : Aftersun
Nationalité :
Royaume-Uni, États-Unis
Date de sortie : 1 février 2023
Réalisation : Charlotte Wells
Photo : Gregory Oke
Musique : Oliver Coates
Casting : Paul Mescal, Frankie Corio, Celia Rowlson-Hall, Sally Messham, Brooklyn Toulson

     Premier long-métrage de Charlotte Wells, Aftersun construit le retour vers un passé fragmenté. Celui d’une époque douce aux yeux de l’enfant dont l’amertume apparaît sous le regard rétrospectif de l’adulte. Celui d’un passage à l’adolescence qui dissipe peu à peu l’innocence. Celui d’une relation avec un père désormais disparu.
     En utilisant tous les moyens du cinéma, la réalisatrice donne à son œuvre des allures d’enquête mémorielle, dans laquelle une nouvelle perception change la saveur des souvenirs.

Aftersun

     Aujourd’hui mère d’un nourrisson, Sophie se remémore ses vacances d’il y a vingt ans en Turquie avec son père. À l’aide de ses souvenirs et des cassettes de sa vieille caméra DV, elle se replonge dans cette époque, essayant de mieux comprendre son père désormais disparu et les tourments qui le rongeaient. 

     Afin de saisir les enjeux d’Aftersun, il suffit de contempler sa très belle affiche. Il s’agit d’une vieille photo de vacances abîmée. On y découvre un jeune homme et sa fille devant une plage.  On devine le doigt du photographe devant l’objectif et le cadrage est approximatif. Les deux protagonistes semblent distants malgré une complicité apparente. L’enfant malicieux et l’adulte pudique.
     À nos yeux de spectateurs intrigués, ce cliché semble être le résumé d’un moment de vie entre les deux personnes à l’image. Un instant chargé de souvenirs que nous n’avons pas. Dès son affiche, le film nous annonce son intention de retour en arrière, de plongée dans la mémoire. Il se trouve même que c’est le point de départ de Charlotte Wells avant l’écriture de son scénario. 

Aftersun

« Pendant la préparation, j’ai cherché dans des albums de famille. Petite, je suis beaucoup partie en vacances avec mon père. J’ai trouvé cette photo de nous dans le sud de l’Espagne, je devais avoir 5 ans. Il y avait une très belle femme derrière moi. Je me suis demandé alors qu’aurait pu être le vrai sujet de cette photo. […] C’est au final devenu une quête des souvenirs, une recherche sur notre implication à chercher des réponses dans le passé qu’on ne trouvera peut-être jamais. » 

Charlotte Wells – dossier de presse du film

     De la même manière que cette photographie/affiche représente un fragment du passé, la cinéaste s’évertue à mettre en image la dimension parcellaire de la mémoire. Ainsi Sophie effectue ce travail par le biais d’impressions sensorielles. Elle revoit le grain de peau de Calum, revit son premier baiser avec le jeune Michael, sent de nouveau l’effet de la crème solaire sur son dos et se souvient de la piscine dans laquelle elle voyait les reflets du ciel et des parapentes qui le traversaient.
     Par un montage effectué à la manière d’une toile impressionniste, Charlotte Wells fabrique une reconstitution sensible du passé de Sophie. En s’appuyant sur des détails comme ceux évoqués plus haut, elle imagine, devine les éléments qui lui manquent. 

Aftersun

     Un plan du film, extrêmement travaillé, résume tout ce qui est en jeu. Celui sur la télévision, sur laquelle est branchée la caméra en train de filmer. Il abrite en son sein plusieurs couches de mémoire plus ou moins précises.

     La première est bien sûr l’image de la caméra émanant de l’écran, souvenir enregistré mécaniquement, qui donne une version précise de la scène. La deuxième se trouve toujours sur la vitre de la télévision, où l’on perçoit le reflet de la scène ayant lieu dans la chambre d’hôtel. C’est un souvenir vague, flou mais perceptible à condition qu’on y prête attention. Et enfin la troisième est le miroir en arrière-plan. Celui-ci est obstrué par différents objets, notamment des livres. On ne voit passer que des morceaux de corps, des bribes, des impressions, des réminiscences. 
     En une image, on comprend que l’exercice de se remémorer ne pourra pas vraiment aboutir. De ce plan nait l’inévitable certitude que manqueront des éléments, comme les pièces d’un puzzle, oubliées sous un canapé trop lourd.

     Il reste des moments agréables, des paroles regrettées, des attitudes gênantes, une solitude partagée. Autant d’instantanés délicats du passage à l’adolescence et de l’attente inéluctable de « l’aftersun » du titre, représentant la fin à venir de cette relation. La douceur du film évoque le regard porté par l’enfant sur ces vacances alors que l’adulte sait que ce furent les dernières.
     Ce mélange homogène entre la noirceur qui se tapit et cette impression de sérénité en fait un grand film mélancolique. 

EN BREF

Charlotte Wells nous offre un très beau film mélancolique, confrontant la douceur et la simplicité du passé à un regard rétrospectif plus sombre et triste. Du cadrage au montage, elle nous plonge dans la complexité de la mémoire et ses zones d’ombre à éclaircir. Aftersun est un objet fascinant, emmené par deux comédiens dont le talent donne corps à ce délicat rembobinage.

4.5/5

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1 Comment

  1. Coline

    Merci pour cet article qui nous a poussé à aller voir ce splendide film, entre esthétisme et mélancolie. L’émotion était au rendez-vous.

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