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Du 6 au 12 décembre 2022, le Paris International Fantastic Film Festival (PIFFF) se tenait dans la mythique salle du Max Linder Panorama pour sa onzième édition. 

Ce festival met à l’honneur un panel d’œuvres varié, du drame familial au slasher moderne, en passant par le thriller psychologique ou la comédie horrifique.
Beaucoup de genres y sont représentés, ayant tous pour dénominateur commun leur incursion de manière plus ou moins subtile dans le genre fantastique. 

L’association Paris Ciné Fantastique est à l’origine de ce festival dont la première édition remonte à 2011, et est accompagnée depuis le début par le magazine spécialisé en cinéma de genre : Mad Movies.

Si je dois retenir une chose de cette première participation au PIFFF, c’est bien la qualité et l’éclectisme de la programmation. Un grand bravo au comité de sélection qui a fait un beau travail pour nous dénicher quelques pépites dont certaines ne sortiront jamais en salle.

Retour sur cette belle édition 2022 et sa compétition de longs-métrages.

LES LONGS-MÉTRAGES EN COMPÉTITION

GLORIOUS

États-Unis – 2022
Réalisation :
 Rebekah McKendry
Photo : David Matthews
Musique : Jake Hull
Casting : Ryan Kwanten, J.K. Simmons, André Lamar, Sylvia Grace Crim

2.5/5

Synopsis : Wes zone, le cœur brisé, au volant de sa voiture. Il s’arrête dans une station-service, se retrouve coincé dans les toilettes. Une voix lui parvient à travers un glory hole : il est l’élu choisi par une divinité obscure pour sauver l’humanité d’une destruction certaine.

Avis : Tourné pendant le confinement aux États-Unis, Glorious représente une démarche qui, malgré ses nombreux défauts, est à saluer. 
           Réalisé avec une certaine économie de moyens, le film dégaine une belle quantité de trouvailles visuelles pour faire de ce huis-clos un lieu propice à l’imagination. En faisant appel à un univers lovecraftien, on s’échappe sans mal des toilettes de cette aire de repos, sans pour autant que la caméra nous accompagne. 
           Néanmoins, sur l’inventivité du long-métrage empiètent peu à peu l’approximation de sa direction d’acteurs ainsi que son manque d’équilibre entre l’horreur et l’humour graveleux. Ces ruptures n’interviennent pas toujours au moment opportun, donnant l’impression que Glorious peine à trouver la bonne tonalité.

INFLUENCER

États-Unis – 2022
Réalisation :
Kurtis David Harder
Photo : David Schuurman
Musique : Avery Kentis
Casting : Cassandra Naud, Emily Tennant, Rory J Saper, Sara Canning

3/5

Synopsis : Sur ses réseaux sociaux, Madison donne l’impression de vivre le rêve de tous les aspirants voyageurs. En réalité, arrivée en Thaïlande, elle se sent plus seule que jamais. Sa rencontre avec la mystérieuse CW va tout changer. Vraiment, tout.

Avis : Doté d’un scénario classique mais efficace, d’un casting convaincant et de moments de tension réussis, Influencer s’avance humblement comme un petit thriller oppressant de bonne facture. En revanche, il laisse l’impression qu’on aurait pu voir un autre film, peut-être un survival sur l’île déserte, où le manque de caractérisation de la tueuse aurait été moins gênant. 

DEMIGOD : THE LEGEND BEGINS

Taïwan – 2022
Réalisation :
Huang Wen-Chang
Musique : Vincent Huang
Casting : Wen-Tze Huang, Chiang Tzu-Hsiang, Chen Sz-Shian

4.5/5

Synopsis : Su Huan-jen adore lire, au point de s’endetter pour honorer sa passion. Il n’a d’autre choix que d’exercer la médecine intensivement pour honorer son dû. Ce faisant, il se retrouve au centre d’intrigues mais ça tombe bien : il est aussi un combattant hors pair.

Avis : Le film le plus exotique de la compétition. Exportant l’art ancestral du Budaixi (traditionnels spectacles de marionnettes taïwanais) à la télévision puis au cinéma, le studio Pili et ses créations (qui existent depuis les années 70 !) restent très méconnus en occident.
On ressent d’emblée la densité de l’univers qui nous est présenté car le film fait intervenir des personnages évoluant déjà dans la série télévisée. Pour vous l’imager, c’est comme si vous n’aviez jamais entendu parler du Seigneur des Anneaux et que vous vous retrouviez au milieu du Retour du Roi. De là, on sait et accepte que beaucoup de choses vont nous échapper, même si l’histoire comptée est accessible. 
Visuellement dingue, le souffle épique du long-métrage nous emporte avec lui.
Ce fût une expérience géniale de découvrir un cinéma inconnu, régi par des codes qui lui sont propres.
LA découverte du festival.

THE ELDERLY

Espagne – 2022
Réalisation :
Raul Cerezo, Fernando Gónzález Gómez
Photo : Ignacio Aguilar
Musique : Eneko Vadillo
Casting : Zorion Eguileor, Gustavo Salmeron, Paula Gallego, Irene Anula

3.5/5

Synopsis : La canicule étouffe Madrid chaque jour un peu plus. Après le suicide de sa femme, le vieux Manuel est recueilli par son fils et sa compagne pas franchement rassurée. Manuel, comme tout le troisième âge madrilène, semble perdre la boule.

Avis : Le cinéma espagnol nous montre une nouvelle fois qu’il excelle dans le genre fantastico horrifique avec The Elderly. Réalisant une sorte d’apocalypse zombie qui ne toucherait que les pensionnaires du troisième âge, Ignacio Aguilar parvient à rendre inquiétants, voire flippants ces vieux madrilènes qui semblent devenir fous à cause de la chaleur. 
Passionnant lorsqu’il met en scène la fracture entre un père et son fils et la confrontation de trois générations autour des ravages de la vieillesse et du deuil, le film perd cependant sa force évocatrice dans un dernier acte brouillon où l’explication finale ne convainc pas vraiment. 

LINOLEUM

États-Unis – 2022
Réalisation :
Colin West
Photo : Ed Wu
Musique : Mark Hadley
Casting : Jim Gaffigan, Rhea Seehorn, Katelyn Nacon, Gabriel Rush

4.5/5

Synopsis : Son émission de vulgarisation scientifique est en passe d’être ringardisée, sa femme ne sait trop comment lui demander le divorce, la vie de Cameron Edwin lui échappe peu à peu. La construction d’une fusée dans son garage pourrait lui sauver la mise.

Avis : Le film le plus émouvant du festival. Drame familial poignant mené par un casting plein de justesse, Linoleum explore tout en subtilité les questionnements d’un personnage en proie à une crise existentielle. Cameron remet en question les différentes facettes de sa vie, de son rôle au sein de sa famille à son ambition professionnelle. Son rêve enfantin d’être astronaute laisse peu à peu place à l’obsession de le devenir par ses propres moyens. 
Brillamment écrite, l’oeuvre m’a laissé sur une conclusion qui m’a arraché le coeur et quelques larmes, dans laquelle se révèlent une complexité et une profondeur proportionnellement égales à la douce naïveté qui prévalait jusqu’alors. 

CANDY LAND

États-Unis – 2022
Réalisation :
John Swab
Photo : Will Stone
Musique : David Sardy
Casting : Olivia Luccardi, Sam Quartin, Eden Brolin, Owen Campbell

3.5/5

Synopsis : La jeune Remy fuit son foyer fondamentaliste et trouve refuge dans une famille d’adoption singulière, composée de prostitués squattant les alentours d’une station-service. A peine a-t-elle le temps de se faire à sa nouvelle vie que les meurtres s’accumulent.

Avis : Petit slasher plutôt bien ficelé malgré une volonté ratée de nous dissimuler l’identité du meurtrier pour finalement nous la révéler au bout de 20 minutes. Candy Land nous offre malgré tout quelques scènes sanglantes assez inventives et (littéralement) jouissives. 
En confrontant deux mondes que tout sépare, on pense aller dans la direction du drame horrifique psychologisant, alors que John Swab ne fait que jouer avec cette attente pour finalement mettre en scène la folie meurtrière. Un hommage au slasher non dénué de charme. 

HUESERA

Mexique / Pérou – 2022
Réalisation :
Michelle Garza Cervera
Photo : Nur Rubio Sherwell
Musique : Gibrán Androide, Cabeza de Vaca
Casting : Natalia Solián, Alfonso Dosal, Mayra Batalla, Mercedes Hernández

3.5/5

Synopsis : Valeria réalise enfin le rêve de son couple : devenir mère. La grossesse ne se déroule hélas pas du tout comme prévu. Elle perd du poids, sent et entend ses os craquer sans raison, sans parler des hallucinations qui la poursuivent en tout lieu.

Avis : Thriller psychologique viscéral sur les affres de la grossesse. Grossesse pas vraiment désirée, ou en tout cas pas pour de bonnes raisons. Véritable état des lieux sur la place de la femme et de son “devenir maman” au sein de la société mexicaine, le film met très bien en scène l’aliénation de Valeria, qui a préféré choisir la voie qui lui était tracée plutôt que celle, plus marginale, qu’elle convoitait. 
Dommage que ce premier long-métrage de Michelle Garza Cervera se perde dans des explications surnaturelles alors qu’il aurait pu nous laisser avec ce doute qui aurait donné plus de force à son propos.

Fixation

FIXATION

Canada / États-unis / Allemagne – 2022
Réalisation :
Mercedes Bryce Morgan
Photo : Oren Soffer
Musique : Michelle Osis
Casting : Maddie Hasson, Genesis Rodriguez, Atticus Mitchell, Stephen McHattie

3/5

Synopsis : Dans l’attente de son procès, Dora doit passer une évaluation psychiatrique. Au fil du processus, il apparaît de plus en plus évident que les tests n’ont rien de traditionnel, que les lieux, la temporalité et la réalité même semblent se distordre autour de la patiente.

Avis : Film puzzle intéressant sous pleins d’aspects, Fixation prend un malin plaisir à nous perdre dans l’esprit de Dora, au risque de nous perdre tout court. Exercice de style  enrobé d’une complexité pas toujours nécessaire, on a finalement du mal à comprendre ou veut exactement en venir sa réalisatrice.
Côté casting, on ne peut que saluer les performances de l’actrice principale (Maddie Hasson) et de celles et ceux qui l’accompagnent. Ils parviennent à rendre vraiment inquiétante cette balade mentale tortueuse. 
Une exploration de la psyché plastiquement travaillée, possédant quelques séquences mémorables (notamment celle d’ouverture), mais dont on retient plus la forme que le fond. 

EARWIG

Royaume-uni / Belgique / France – 2021
Réalisation :
Lucile Hadzihalilovic
Photo : Jonathan Ricquebourg
Musique : Augustin Viard
Casting : Paul Hilton, Romane Hemelaers, Romolo Garaï, Alex Lawther

3/5

Synopsis : Au cœur de l’Europe de la moitié du XXe siècle, Albert s’occupe de Mia, une jeune fille aux dents de glace. Si Albert s’aventure occasionnellement au pub du coin, Mia ne quitte jamais la demeure. Une voix au téléphone prend parfois de ses nouvelles.

Avis : L’une des propositions les plus abouties visuellement de cette édition. Lente déambulation au sein d’un “cauchemar” comme le décrit la réalisatrice Lucile Hadzihalilovic, Earwig est un objet filmique déroutant. L’objectif du film est de nous faire vivre une expérience avant tout sensorielle, où les temporalités s’entremêlent, où les sons du parquet, du téléphone et même le silence tentent de nous emporter dans une folie obscure. 
Techniquement irréprochable, ce sombre rêve n’a malheureusement pas tenu son pari vis-à-vis de moi. Je ne sais pas si l’ennui que j’ai fini par ressentir est imputable directement au film car j’en suis sorti en ayant le sentiment d’être passé à côté de quelque chose. Ce qui est sûr, c’est que ce long, lourd et lent voyage ne laisse pas indifférent. 

LA MONTAGNE

France – 2022
Réalisation :
 Thomas Salvador
Photo : Alexis Kavyrchine
Musique : Chloé Thévenin
Casting : Thomas Salvador, Louise Bourgoin, Martine Chevallier, Laurent Poitrenaux

4/5

Synopsis : Pierre est ingénieur en robotique, sur le point de concrétiser un projet important. A la plus grande stupéfaction de ses proches, il laisse tout tomber pour succomber à l’appel irrésistible de la montagne, de bivouacs en excursions extrêmes et envoûtées.

Avis : Huit ans après l’imparfait mais touchant Vincent n’a pas d’écailles, Thomas Salvador nous a fait le plaisir de présenter son nouveau film pour clore la compétition internationale des longs-métrages. 
On retrouve d’emblée cette naïveté tendre que j’avais retenu de son premier film et surtout le sentiment fort de réel qui émane des rapports entre les personnages. 
Au-delà du fait qu’on s’échappe volontiers avec Pierre dans la montagne afin de fuir le monde le temps d’un film, c’est bien dans les dialogues et les échanges non verbaux entre ses protagonistes qu’excelle Thomas Salvador. 
Beau, dépaysant et profondément humain, on ressent beaucoup la sincérité qui se tient derrière les images du film. 

LE PALMARÈS DU FESTIVAL

Œil d’Or long-métrage international (décerné par le public)
La Montagne – Thomas Salvador

Œil d’Or court-métrage international (décerné par le public)
Gnomes – Ruwan Heggelman

Œil d’Or court-métrage français (décerné par le public)
Colonie – Romain Daudet-Jahan

Prix du jury court-métrage français
Les Racines Sauvages – Nicolas Millot

Prix des lecteurs Mad Movies long-métrage international
Earwig – Lucile Hadzihalilovic

Prix Ciné+ Frisson long-métrage international
La Montagne – Thomas Salvador

Prix Ciné+ Frisson court-métrage français
Colonie – Romain Daudet-Jahan

MON PALMARÈS

Mon œil d’or 
Linoleum de Colin West pour son casting parfait, son scénario millimétré et surtout les larmes qu’il m’a tirées et qui n’ont toujours pas séchées.

La découverte
Demigod : The Legend Begins de Huang Wen-Chang parce que ça faisait longtemps que je n’avais pas découvert un nouveau cinéma, et que c’est un réel plaisir de voir quelque chose jamais vu auparavant.

La déception
Glorious de Rebekah McKendry parce que malgré plusieurs bonnes idées et un délire régressif un peu jubilatoire par moments, le film n’est pas à la hauteur de son pitch alléchant et de son envie de se frotter aux mondes lovecraftiens. 

Les mentions (très) honorables
La Montagne de Thomas Salvador pour sa sincérité touchante et sa dimension introspective toute en légèreté. 
The Elderly pour ses “zombies” âgés au service d’un propos sur les conflits générationnels sur fond de dérèglement climatique. Et ce malgré une fin décevante.