Du 6 au 12 décembre 2023, le Paris International Fantastic Film Festival (PIFFF) se tenait dans la mythique salle du Max Linder Panorama pour sa douzième édition.
Ce festival met à l’honneur un panel d’œuvres varié, du drame familial au slasher moderne, en passant par le thriller psychologique ou la comédie horrifique.
Beaucoup de genres y sont représentés, ayant tous pour dénominateur commun leur incursion de manière plus ou moins subtile dans le genre fantastique.
L’association Paris Ciné Fantastique est à l’origine de ce festival dont la première édition remonte à 2011, et est accompagnée depuis le début par le magazine spécialisé en cinéma de genre : Mad Movies.
Pour ma deuxième participation à ce festival, je salue de nouveau le travail énorme fourni par les équipes du PIFFF en ce qui concerne la qualité d’une programmation aussi variée que cohérente. Comme l’an passé, je me suis focalisé sur les longs et courts-métrages en compétition, dont certains se sont révélés être de sacrés surprises. Seul petit bémol : la compétition de courts-métrages français, moins emballante pour cette édition, même si certaines pépites tirent leur épingle du jeu.
À noter une présence plus large de films qui vont être distribués en France dans les mois à venir, une raison de plus d’être attentif aux belles découvertes de cette semaine riche en projections à sensations fortes…
États-Unis – 2023
De Jennifer Wexler
Avec Mena Massoud, Olivia Scott Welch, Chloë Levine, Gus Kenworthy
Le PIFFF 2023 a ouvert sa compétition avec un petit film de noël dans lequel la fête vire au cauchemar. Une bonne manière de nous mettre en conditions pour la suite du festival.
Dans The Sacrifice Game, Jennifer Wexler nous plonge dans une vieille école de jeunes filles au début des années 1970, où les élèves Samantha et Clara vont devoir survivre à l’irruption d’un groupe meurtrier venu pour invoquer un démon.
À la lecture de ce pitch, on comprend rapidement que l’objectif de la cinéaste n’est pas de renouveler les codes du home invasion. Les ressorts horrifiques, sans être trop convenus, sont de l’ordre du déjà vu et quelques longueurs se font sentir au milieu du long-métrage.
Néanmoins, ses inspirations notables (slasher, Giallo, films de possession) sont au service d’un divertissement bien usiné et agréable à découvrir. On prend en effet un malin plaisir à voir le casting se faire décimer par un scénario qui, à défaut d’être vraiment original, nous mène de fausses pistes en fausses pistes jusqu’à un final plutôt réjouissant et inattendu.
L’imagerie seventies nous renvoie aux chefs-d’oeuvres du genre, ce qui achève d’en faire une petite sucrerie que l’on ne connait que trop bien, mais qui se révèle chaleureuse et réconfortante au moment d’affronter les longues soirées d’hiver.
France – 2023
De Sébastien Vanicek
Avec Théo Christine, Lisa Nyarko, Jérôme Niel, Finnegan Oldfield, Sofia Lesaffre
Co-écrit avec Florent Bernard (« FloBer »), ce film met en scène Kaleb, jeune collectionneur d’insectes et reptiles en tout genre. Lorsque ce dernier ramène une araignée d’origine inconnue dans sa tour de banlieue parisienne, ses voisins et lui vont devenir les proies d’une bestiole bien plus dangereuse qu’il ne l’imaginait.
Après une année 2023 riche en propositions françaises autour du genre (Acide, Le Règne animal, Vincent doit mourir, Nos Cérémonies, Gueules noires), le cinéaste vient poser sa pierre à l’édifice à l’aide d’un quasi huis-clos cerné par de nombreuses toiles d’araignées.
Et ce que l’on peut déjà dire, c’est qu’il excelle à mettre en scène la tension et l’action. L’horreur que ressentent les personnages que l’on suit se mélange savamment avec quelques doses d’humour bien disséminées. Cela a pour effet d’alléger un récit beaucoup trop alourdi par des caractérisations de personnages encombrantes et dont l’approche enfantine et assez superficielle ne convainc jamais vraiment. Mais cela donne également à l’ensemble l’apparence d’une succession de sketchs qui s’enchainent de manière un peu arbitraire.
Il reste un film référencé, plutôt plaisant, qui se perd un peu lorsqu’il sort maladroitement de son statut de série B maline en multipliant les pistes narratives dont l’intérêt m’échappe.
Hongrie – 2022
De Isti Madarász
Avec Máté Borsi-Balogh, Péter Bárnai, Teréz Csombor, Márta Lídia Danis
Pour sa première nuit en tant que gardien d’une morgue, Krisztián fait la rencontre d’âmes défuntes en transit. Il devra les aider à accomplir leurs dernières affaires sur Terre pour leur éviter d’être définitivement anéanties par le démon des lieux. Cette lourde tâche se complique lorsque la femme qu’il aime se retrouve à son tour prisonnière de ce purgatoire.
Premier des deux longs-métrages hongrois en compétition, Halfway Home est une jolie surprise. Cette romance décalée sous forme de conte fantastique se démarque par ses décors et sa direction artistique soignés. L’univers créé par Isti Madarasz se révèle cohérent et donc très plaisant à découvrir.
En mélangeant les genres tels que le conte, la comédie burlesque, la romance ou encore l’esthétique steampunk, le cinéaste crée un équilibre donnant à son film un ton assez unique. Et même si le côté fleur bleue du long-métrage peut créer une distance avec certains, le fait qu’il soit pleinement assumé le rend plus sincère et donc digest.
Je suis ressorti de la projection avec un léger sourire béat grâce à cette proposition qui n’invente pas grand chose mais qui donne à voir la créativité d’un auteur. Et parfois, on a juste envie de plonger dans un monde nouveau, et se faire embarquer par une galerie de personnages intriguants dans une aventure bien menée. Halfway Home tient donc cette promesse de divertissement sympathique et accessible.
Grande-Bretagne – 2023
De Robert Morgan
Avec Aisling Franciosi, Stella Gonet, Tom York, Caoilinn Springall
Ella épaule sa mère, légende de l’animation image par image, dans son dernier film. Mais lorsque cette dernière tombe dans le coma suite à un AVC, Ella décide de démarrer un nouveau projet qui la poussera à lutter contre elle-même.
Dans ce qui est le film le plus éprouvant de ce cru 2023 du PIFFF, le cinéaste Robert Morgan nous embarque dans un univers où cohabitent notre protagoniste fragile et les créatures qui sortent de son imagination.
Pour faire face à ses nombreux traumatismes liés à son enfance et à sa relation malsaine avec sa mère, Ella emmène son art à un croisement entre réalité et fiction. À l’instar du mélange entre stopmotion et prises de vues réelles que l’on découvre à l’écran, la jeune femme brouille les frontières entre son intériorité et le monde qui l’entoure, ce qui la fera peu à peu sombrer dans la folie.
L’ambiance poisseuse et oppressante mise en place par le réalisateur ne cesse d’augmenter notre inconfort, notamment grâce à quelques visions horrifiques confinant au dégoût.
Animateur reconnu dans le milieu de la stopmotion, Robert Morgan livre ici une mise en abyme viscérale de sa pratique tout en réfléchissant sur le don de soi du créateur au sein de ses oeuvres. Et pour finir sur une note plus légère (ou pas), il nous a avoué avant la projection avoir déjà expérimenté certains des actes peu conventionnels d’Ella, et nous a demandé de deviner lesquels…
Japon – 2023
De Junta Yamaguchi
Avec Riko Fujitani, Manami Honjô, Gôta Ishida, Yoshimasa Kondô
Dans le village de Kibune au Japon, les employés de l’hôtel Fujiya se retrouvent bloqués dans une boucle temporelle de deux minutes. L’équipe va devoir ruser pour comprendre d’où vient cet étrange problème tout en continuant de prendre soin de leurs clients.
En Boucle nous propose un trip rafraichissant sur le thème ô combien exploité de la boucle temporelle. Mais l’idée de faire durer cette boucle seulement deux petites minutes est géniale. Déjà parce qu’elle donne lieu à des situations et répliques très drôles et à quelques ruptures hilarantes. Mais aussi sur le plan formel puisque chaque boucle est filmée par un plan-séquence qui suit les personnages dans les décors de l’hôtel.
Il en résulte une répétition jubilatoire qui ne s’essoufle jamais. En effet, lorsque l’on commence à prendre nos habitudes, celles-ci sont chamboulées brusquement par l’apparition d’un nouveau personnage, par une révélation, par l’irruption et/ou la résolution de conflits, par la naissance d’une romance ou encore par quelques questionnements profonds de certains protagonistes.
Et bonne nouvelle ! Contrairement à la plupart des films en compétition, ce petit vent de fraicheur a un distributeur et devrait sortir dans les salles françaises en 2024. Foncez donc voir cette pépite de légèreté et d’inventivité.
Australie / Émirats Arabes unis – 2023
De Cameron & Colin Cairnes
Avec David Dastmalchian, Laura Gordon, Ian Bliss, Fayssal Bazzi
Jack Delroy, star d’un late show américain des années 1970, cherche le bon moyen de relancer une audience sur le déclin. Pour l’occasion d’Halloween, il a préparé une émission autour du paranormal qui restera à jamais comme l’événement télévisuel le plus choquant que le pays ait vu.
Ce long-métrage australien de Cameron et Colin Cairnes emmène le genre du foundfootage dans une dimension nouvelle, en le croisant avec le genre du documenteur (ou mockumentaire). En effet le film se présente comme un faux reportage sur le présentateur Jack Delroy et sur la fameuse nuit ou le late show « Night Owls » a mal tourné.
À la croisée des genres, le film fait monter habilement la tension, notamment en montrant l’émission telle qu’elle « a été diffusée » mais aussi en nous dévoilant l’envers du décor durant les coupures publicitaires. Ce qui aurait pu être une facilité est au final un choix astucieux qui permet à l’oeuvre de s’extirper du cadre contraignant de son concept.
En plus d’être un divertissement de très bonne facture, le film propose une réflexion sur la course à l’audimat qui pousse certaines chaines à aller toujours plus loin dans le sensationnalisme, quitte à oublier la sécurité sur le plateau.
En bref, c’est un film malin, doté d’un casting parfait (David Dastmalchian !!!) qui fait subtilement monter le malaise et l’horreur jusqu’à un final des plus sombres. À voir !
Etats-Unis – 2022
De Ryan Stevens Harris
Avec Haven Lee Harris, Augie Duke, Morgana Ignis, Brionne Davis
Emma, 5 ans, chûte dans les escaliers après avoir été témoin d’une violente dispute entre ses parents. Elle se retrouve dans un coma qui la plonge au sein d’un univers fantasmagorique inquiétant, dans lequel une effrayante créature la poursuit.
Film que j’attendais le plus de la sélection, Moon Garden ne m’a pas déçu. Cette déambulation macabre dans la psyché d’une fillette dans le coma est un plaisir visuel tant Ryan Stevens Harris a laissé libre cours à sa créativité. L’oeuvre expérimente beaucoup, notamment via son mélange entre live action et stopmotion mais également par les nombreux jeux de textures de l’image ou encore sur les décors sinistres qui jalonnent ce monde oppressant.
Le film rappelle fortement l’adaptation d’Alice au pays des merveilles par le surréaliste pragois Jan Svankmajer (Alice, 1988), film qui suivait le parcours d’une jeune fille réelle au milieu d’un univers peuplé de créatures filmées en animation image par image.
Le cinéaste américain aborde plusieurs thématiques comme celles de la parentalité, de l’enfance, du rapport à la mort ou à l’imaginaire sans oublier de véhiculer de l’émotion. Je suis ressorti de la salle ému par ce conte assez réflexif sur la relation filiale et à toutes les peurs qu’elle peut générer. Sentiment confirmé par le lien qui unit l’enfant qui interprète la jeune Emma, qui n’est autre que la fille du réalisateur.
Canada – 2023
De Ariane Louis-Seize
Avec Sara Montpetit, Félix-Antoine Bénard, Steve Laplante, Sophie Cadieux
Sasha est une adolescente au sein d’une famille de vampires. Mais contrairement au reste de celle-ci, elle refuse de tuer des humains pour se nourrir. Lorsqu’elle rencontre un garçon qui compte mettre fin à ses jours, elle y voit peut-être une solution à son problème.
Non content d’avoir gagné le prix imaginaire du meilleur titre lors de cette compétition, Vampire humaniste cherche suicidaire consentant a également conquis le coeur des festivaliers puisqu’il est reparti avec l’Oeil d’or de cette édition (grand prix du PIFFF attribué par les votes des spectateurs).
Vous pouvez d’ores et déjà noter la date dans vos agendas, cette pépite québécoise débarque le 20 mars 2024 en France.
Proposition la plus aboutie de la sélection, ce premier long-métrage d’Ariane Louis-Seize détonne par son ton grinçant sur le malaise d’une jeunesse qui tente de se construire dans un monde cruel. En résulte un teen movie à l’humour macabre, qui rappelle la jolie série Netflix The Enf of the F***ing World de Charlotte Covell, avec des vampires en plus.
La réalisatrice prend un malin plaisir à détourner les codes du film de vampires pour en faire un pamphlet très drôle sur une jeunesse qui cherche sa place dans la société malgré les contraintes familiales, morales ou écologiques. Un petit bijou d’humour noir à voir absolument !
Hongrie – 2022
De Gábor Benö Baranyi
Avec Elõd Bálint, Lili Erdõs, András Hatházi, Kati Sólyom
Misi est un lycéen également cobaye pour un médicament expérimental contre l’anxiété. Lorsqu’il le mélange par hasard avec une eau de vie artisanale, il se rend compte qu’il peut voyager dans le passé. Alors qu’un tueur rôde, cette association étonnante va peut-être lui être utile.
Pour son premier long-métrage, Gábor Benö Baranyi, cinéaste hongrois, nous offre un teen movie décomplexé comme on n’en voit plus. Dans ce film plein de malice qui montre l’adolescence telle qu’elle est, sans la prendre de haut ni l’édulcorer, il déploit un scénario original qui imagine l’apparition d’une sorte de super pouvoir par le mélange de médocs et d’alcool. Il fallait l’oser !
Mais derrière cette comédie fun se cache un regard critique sur la nation hongroise et sa jeunesse (à laquelle on peut aisément s’identifier). Et pour cause, si les péripéties rocambolesques de Misi portent à rire, le réalisateur nous dépeint en parallèle une société peuplée d’alcooliques notoires, d’hommes violents, de jeunes qui ont besoin de traitement contre l’anxiété et qui prennent des risques en testant des médicaments en phase de test, faute de moyens.
Et quel est le moyen d’empêcher un meurtre et de corriger ses erreurs ? Revenir dans le passé ! Malgré son ton léger, Zanox n’offre finelement pas un point de vue des plus optimistes. Un premier film plus profond et lucide qu’il n’y paraît.
Etats-Unis – 2023
De Alan Scott Neal
Avec Jessica Belkin, Sebastian Delascasas, Jack DiFalco, Michael Giannone
Nancy travaille dans le diner de son père. Un soir, il lui laisse gérer le lieu et donc les employés qui vont avec. Son autorité n’est pas respectée et des gamins du coin s’amusent à lui faire peur. Mais la nuit prend une autre tournure lorsque des individus masqués commencent à s’en prendre à elle…
Film le moins emballant de cette édition du PIFFF, Last Straw n’en est pas pour autant une catastrophe. Ce premier film du réalisateur prend place dans un restaurant paumé au milieu de nulle part et intrigue rapidement, notamment par son héroïne ambivalente, à laquelle on s’attache sans mal malgré son tempérament difficile et ses paroles parfois détestables.
Alors qu’elle doit survivre aux attaques de plus en plus violentes d’une bande inconnue, on voit se dessiner les prémices d’un home invasion inventif, qui n’hésite pas à composer avec les particularités de son décor, composé de nombreuses cachettes et de reflets qui cachent l’extérieur, à la fois seule issue et source principale du danger.
Cependant, la promesse n’est qu’à moitié tenue, le long-métrage décidant de rebattre grossièrement les cartes pour nous montrer le point de vue des malfaiteurs. Cela coupe sèchement la dynamique qui s’installait pour nous expliquer sans pincettes les raisons psychologiques de cette attaque. Une lourdeur de trop dans ce qui n’est d’ailleurs pas un film fantastique.
Œil d’Or long-métrage international (décerné par le public)
Vampire humaniste cherche suicidaire consentant – Ariane Louis-Seize
Œil d’Or court-métrage international (décerné par le public)
Murder Camp – Clara Aranovich
Œil d’Or court-métrage français (décerné par le public)
Cadavérik – Maxime Brunet, Rémi Paquin
Prix du jury court-métrage français
Cadavérik – Maxime Brunet, Rémi Paquin
Prix des lecteurs Mad Movies long-métrage international
Stopmotion – Robert Morgan
Prix Ciné+ Frisson long-métrage international
Vampire humaniste cherche suicidaire consentant – Ariane Louis-Seize
Prix Ciné+ Frisson court-métrage français
Gertrude et Yvan Party Hard – Louise Groult
Mon œil d’or
Vampire humaniste cherche suicidaire consentant d’Ariane Louis-Seize pour son humour noir et sa vision juste et touchante de la jeunesse d’aujourd’hui.
Les déceptions
• Last Straw d’Alan Scott Neal avant tout parce qu’à mes yeux, ce n’est pas un film fantastique. Mais aussi parce que ce long-métrage prend un risque qui ne paye pas, celui de changer le point de vue au milieu du récit ce qui alourdit fortement l’ensemble.
• Vermines de Sébastien Vanicek parce que j’avais beaucoup trop d’attentes sur ce film qui, sans être indigent (loin de là), souffre de ses caractérisations de personnages encombrantes et maladroites.
Les mentions (très) honorables
• Late Night With The Devil de Cameron et Colin Cairnes qui est passé tout proche d’être mon oeil d’or grâce à son approche originale et tendue, entre mockumentaire et found footage.
• Stopmotion de Robert Morgan pour l’inconfort persistant dans lequel l’oeuvre m’a plongé.
• Moon Garden de Ryan Stevens Harris pour sa déambulation onirique qui revisite le Alice de Jan Svankmajer avec un inquiétante tendresse.