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     Après une incursion dans le cinéma fantastique il y a quatre ans avec le remake de Suspiria, Luca Guadagnino revient cette année dans nos salles avec Bones and All un faux road-movie romantique et sanglant. 

     Maren, jeune fille attirée par la chair humaine, part seule en voyage à la recherche de la mère qui l’a abandonnée dans sa petite enfance. Sur sa route, elle rencontrera des individus aux mêmes appétits qu’elle, dont Lee, qui l’accompagnera dans son périple. Un road trip commence donc, entre quête initiatique, romance naissante et repas peu conventionnels.

     En ouvrant son nouveau long-métrage par la mise en place d’un climat serein et plutôt doux, Luca Guadagnino souhaite nous souligner les efforts de ses personnages pour s’intégrer dans un système qui tente de les marginaliser.
     Toutefois, ce cadre presque irréel s’inverse en un geste. Le cinéaste joue avec nos nerfs, nous endort pour mieux nous attaquer à la jugulaire. D’une situation somme toute banale, le film nous fait glisser vers l’horreur, le rejet, l’anormal. Ces ruptures de tons qui jalonnent le film forment une des plus grandes réussites de celui-ci, qui nous montre encore une fois les tentatives de protagonistes marginaux de s’insérer dans un système qui ne les accepte pas, et leur désillusion violente et parfois cruelle quand ils échouent.

     À la fois chasseur et en fuite, le duo formé par un Timothée Chalamet désabusé et une Taylor Russell pleine de nuances, n’a pas le temps de profiter de ce qui fait usuellement le sel d’un road movie. Nous traversons avec eux de sublimes décors dans lesquels on ne s’attarde pas. Comme si le voyage intérieur prévalait sur le réel. 
     Le choix du format 1,85 conforte l’idée que ce sont bien les deux adolescents qui intéressent Guadagnino et non les paysages qui les entourent. Peut-être est-ce une manière de les enfermer encore plus dans leur solitude. Quelque soit le cadre dans lequel ils se trouvent, ils échoueront systématiquement dans leur quête de bonheur et d’intégration. Et même lorsqu’ils s’approcheront de cet objectif, ils rechuteront.

     De cette mécanique bien huilée, dans laquelle une violence crue et soudaine succède à des scènes tendres et apaisées, on finit par ressentir un peu trop la durée du film (2h10). Quelques séquences sont en effet de trop, car en voulant nous faire croire à un apaisement définitif pour mieux nous surprendre et nous piéger, elles épuisent un peu trop leurs moyens et leur étirement brise l’équilibre entre la romance et l’horreur. 
     Ainsi, le voyage initiatique établi sur la quête passéiste de Maren croisée à la fuite en avant de Lee, ne trouve pas vraiment de conclusion. Le métrage s’achève à peu près là où il a démarré. Nous n’aurons pas plus d’explications sur l’anthropophagie guidant les personnages, ni la moindre évolution de ceux-ci, alors même que le cinéaste s’évertue à construire un univers prometteur et assez novateur. 

     Bones and All est une relecture moderne d’un mythe aux deux canines acérées qui, à trop vouloir filer la métaphore sur les parias et marginaux, finit par s’essouffler un peu.
     Il reste tout de même un plaisant objet d’analyse, dont certains plans envoûtants hantent encore ma mémoire. Il reste une proposition à la fois tendre et radicale, humaine et cruelle, belle et monstrueuse, naïve et désabusée. Autant de contradictions qui n’auraient pas été si intelligibles sans les performances remarquables de Timothée Chalamet et Taylor Russel. 

EN BREF

Bones and All est un film plein de nuances, entre romance et violence, dont les procédés s’essoufflent quelque peu. Malgré quelques minutes de trop, le casting principal du film nous offre une sacrée performance. Objet d’imperfections d’où surgit une certaine poésie. 

3.4/5

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