LA MONTAGNE
Titre original : La Montagne
Nationalité : France
Date de sortie : 1 février 2023
Réalisation : Thomas Salvador
Photo : Alexis Kavyrchine
Musique : Chloé Thévenin
Casting : Thomas Salvador, Louise Bourgoin, Martine Chevallier, Laurent Poitrenaux
Vu fin 2022 au PIFFF, La Montagne de Thomas Salvador, qui a glané l’Œil d’or de cette édition, n’a cessé de me hanter par ses images somptueuses. Le corps du cinéaste-acteur perdu au milieu de l’immensité, dans les méandres de sa psyché et devant l’incompréhensible m’a touché profondément et durablement. Un voyage sous forme de conte poétique à découvrir absolument.
Pierre est ingénieur en robotique, sur le point de concrétiser un projet important. A la plus grande stupéfaction de ses proches, il laisse tout tomber pour succomber à l’appel irrésistible de la montagne, de bivouacs en excursions extrêmes et envoûtées.
Huit ans après l’imparfait mais touchant Vincent n’a pas d’écailles, Thomas Salvador revient avec un conte en haute montagne, où le dépaysement du personnage atteint avec succès le spectateur.
Et pour commencer, il faut dire ce qui est : le film est beau. Salvador et son chef opérateur ont fait un grand travail pour faire de cette montagne enneigée un terrain propice à l’émergence du merveilleux au sein de cette histoire intimiste. De jour comme de nuit, les images qui nous sont données à voir sont uniques et participent grandement à l’immersion.
Car c’est un véritable pari que de suivre un personnage le plus souvent seul et dont le chemin intérieur est aussi important que celui qu’il réalise à l’écran. L’apparition progressive et bien dosée d’événements fantastiques permet aux spectateurs d’être tenus en haleine jusqu’à la fin. Car Pierre cherche quelque chose dans cette montagne, mais l’objet de sa quête reste mystérieux, pour lui comme pour nous. Ou comment un périple temporaire se transforme en véritable retraite spirituelle.
Ajoutés à cela, on retrouve cette naïveté tendre et surtout le sentiment fort de réel qui émane des rapports entre les personnages, éléments les plus intéressants de son premier film selon moi. Au-delà du fait qu’on s’échappe volontiers avec Pierre dans cette ascension afin de fuir le monde le temps d’un film, c’est bien dans les dialogues et les échanges non verbaux entre ses protagonistes qu’excelle une nouvelle fois Thomas Salvador.
Accompagné par Louise Bourgoin devant la caméra, le cinéaste donne une importance significative à ses dialogues, à leur rythme, leur volume et leurs temps de silence. Cela donne une troublante justesse aux rapports entre les protagonistes, comme lors de cette conversation entre Pierre et sa famille, inquiète de le voir tout plaquer, ou aux flirts timides avec Léa.
Belle, dépaysante et profondément humaine, cette épopée confidentielle procure un repos bienvenu. On ressent vraiment la sincérité avec laquelle le réalisateur français a construit son film. Écrit avant le covid, il résonne malgré tout avec notre époque et donne au geste de Pierre un écho touchant et évocateur.
EN BREF
La Montagne est une expérience somptueuse, intimiste et émouvante dans laquelle Thomas Salvador confirme qu’il est un cinéaste à suivre. Son savoir-faire pour écrire des personnages justes et touchants est ici confirmé. Il y ajoute des images d’une beauté persistante, rarement vues dans une salle de cinéma. Alors qu’il fait face au mastodonte décrié à 65 millions d’euros, il est important qu’un bouche à oreille se fasse autour de cet essai original et personnel, qui mérite amplement 2 heures de votre temps.