Titre original : Omar la fraise
Nationalité : France, Algérie
Date de sortie : 24 mai 2023
Réalisation : Élias Belkeddar
Photo : André Chemetoff
Musique : Sofiane Saïdi
Casting : Reda Kateb, Benoît Magimel, Meriem Amiar, Haroun Attala, Amani Bentarki
Présenté en séance de minuit au Festival de Cannes 2023, Omar la fraise est le premier long-métrage de son réalisateur, Élias Belkeddar. Alors qu’elle brille avant tout par l’humour de ses dialogues très bien écrits, cette comédie cumule malgré tout quelques défauts inhérents aux premiers films. Le cinéaste semble vouloir trop en dire en un temps restreint (1h32).
Le déploiement d’autant de thématiques montre une générosité à saluer de la part d’Elias Belkeddar, qui n’empêche malheureusement pas le sentiment d’avoir vu un ensemble de pistes inachevées, privant l’ensemble d’harmonie.
Omar (Reda Kateb), surnommé la Fraise, est un bandit parisien contraint de s’exiler sur les terres de ses origines, l’Algérie. Aidé par son associé de toujours, Roger (Benoît Magimel), il tente difficilement de tourner la page de son quotidien faste et violent, au profit d’une vie rangée, loin de l’illégalité.
Le métrage franco algérien s’ouvre tambour battant, enchainant les séquences où dominent l’action et les punchlines savoureuses du duo insolite que forment Reda Kateb et Benoît Magimel. Ce rythme effréné constitue la grande réussite d’un premier acte centré sur cette paire d’escrocs has been, attachante d’entrée et dont les échanges ne manquent pas de faire rire.
Le film n’est jamais aussi plaisant que quand il met en scène une histoire d’amitié touchante entre deux gangsters sur le déclin, peinant à mettre leur vie de criminels derrière eux.
Cependant, la volonté du cinéaste de brasser une multitude d’autres thèmes rompt la bonne dynamique développée jusque là. En souhaitant faire vivre une romance à Omar, tout en semblant dresser le portrait de l’Algérie d’aujourd’hui, Belkeddar nous perd peu à peu entre ces différents sujets qui finissent par empiéter les uns sur les autres.
Alors que les intrigues et les personnages gravitant autour d’Omar se multiplient, on perd l’efficacité liminaire au profit d’un petit bordel qui, sans être dénué de fulgurances, donne finalement à l’œuvre un goût d’inachevé.
C’est avec le personnage de Roger que se matérialise l’éclatement scénaristique qui a lieu. Il disparait peu à peu de l’image, accompagné de la sous-intrigue sur la cocaïne disparue, la caméra s’attardant maintenant sur le jeu de séduction entre Omar et Samia (Meriem Amiar). Le danger qui le guette ne nous atteint pas vraiment, et sa mort, si elle arrive à nous attrister, ne parvient pas à être aussi déchirante pour nous qu’elle ne l’est pour son ami.
Toutefois, ces défauts d’écriture n’empêchent pas Omar la fraise d’être une expérience de visionnage agréable et parfois étonnante. En effet, la tonalité du film surprend en mêlant un tempo comique réussi à des images de violence crue. Cette habile association n’est pas sans rappeler Quentin Tarantino ou James Gunn, à la différence qu’ici, la violence n’est ni outrancière, ni un élément humoristique. C’est au coeur de situations burlesques qu’elle fait irruption, de manière brutale.
Ce traitement vise à montrer une société gangrenée par le crime et la délinquance. Par ce biais, et sans jamais franchir la ligne du misérabilisme, Belkeddar réalise le portrait léger et délicat mais sans concession d’une Algérie envahie par la pauvreté et les orphelins, faisant quelque peu oublier ses lourdeurs d’écriture.
Ce ton inhabituel, parfois proche du malaise, en fait un réalisateur à suivre.
EN BREF
Omar la fraise détonne par son premier acte, enchaînant des séquences efficaces et les dialogues ciselés, incarnés par un duo Kateb-Magimel hilarant. Son ton inhabituel, entre un tempo comique maîtrisé et une violence crue, fait du film un portrait délicat mais sans concession de l’Algérie d’aujourd’hui. Dommage cependant que trop d’intrigues viennent alourdir ce premier film d’un Élias Belkeddar néanmoins prometteur.