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affiche The Fabelmans

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The Fabelmans

Titre original : The Fabelmans
Nationalité :
États-Unis
Date de sortie : 22 février 2023
Réalisation : Steven Spielberg
Photo : Janusz Kamiński
Musique : John Williams
Casting : Gabriel LaBelle, Michelle Williams, Paul Dano, Seth Rogen, Keeley Karsten, Julia Butters, Judd Hirsch

          Sorti le 22 février dernier, The Fabelmans m’aura donné du fil à retordre. La densité de cette oeuvre de Steven Spielberg et ses multiples couches de lecture m’ont confronté à l’inverse du syndrome de la page blanche. C’est au sein d’une page trop remplie et de nombreuses notes que j’ai du trier, assembler les mots pour faire cet article.
          Il est d’autant plus difficile d’écrire à propos d’un film qui m’a ému aux larmes par la justesse et l’amour profond qu’il véhicule. J’espère que les lignes qui suivent seront compréhensibles et justifieront le temps qu’il m’a fallu pour les écrire. 

Sammy Fabelman

          Un jeune enfant se trouve dans une rue entre ses deux parents. Ils sont dans la file d’attente d’un cinéma pour y voir le premier film du garçon. Voyant que ce dernier appréhende ce qui l’attend dans cette salle où s’agglutinent des centaines de personnes, les parents tentent de lui expliquer, chacun à leur manière, ce qu’est le cinéma.

FAIRE DU CINÉMA

          Le père, scientifique brillant, se charge de lui donner un cours rapide sur la mécanique cinématographique, donnant l’illusion du mouvement grâce au principe de la persistance rétinienne. De là le jeune Steven/Sammy ingurgite toutes ces informations et se rend probablement déjà compte de toute la dimension technique se cachant derrière la production des films.
          C’est pour cette raison que le long-métrage montrera à plusieurs reprises Sammy réaliser petit à petit ses courts-métrages. On le verra trouver de l’argent pour financer ses projets (en vendant des scorpions), s’attarder ensuite sur le cadrage, s’assurer que les figurants sont bien costumés et maquillés. Il prendra du temps pour s’essayer (avec succès) à la direction d’acteur lors du tournage de son film de guerre. Et bien sûr le montage, étape ultime de la fabrication d’un film, sur laquelle s’attarde d’autant plus Spielberg, montrant Sammy découper soigneusement ses morceaux de pellicule ou les trouer pour donner l’illusion de coups de feu.
          Le cinéaste nous offre par ce biais une première définition du cinéma, celle mettant en avant la technique, les sciences qui se trouvent derrière les images que l’on voit dans les salles obscures.

The Fabelmans

DES IMAGES QUI DEVIENNENT CINÉMA

          Revenons justement devant la salle du début. Son père, comme expliqué plus haut, lui donne donc une définition passionnée sur la merveille technique que représente le cinématographe. Sa mère en revanche, se contente de lui dire que le cinéma, c’est de la magie.
          Si l’explication de la mère peut paraître infantilisante et incomplète, elle caractérise pourtant le moteur qui entrainera Spielberg à faire de l’émerveillement l’objectif principal d’une grande partie de sa filmographie. But qu’il atteindra à de nombreuses reprises, notamment grâce à une maîtrise exemplaire du langage cinématographique, passant entre autres par la mise en scène et, ce qu’approfondit grandement le film, le montage.

          À quelques occurrences, Sammy est confronté au pouvoir des images et de leur assemblage. C’est bien sur son banc de montage qu’il comprendra les sentiments de sa mère vis-à-vis de Bennie, l’ami de la famille.
          C’est une nouvelle fois grâce à sa mise en scène et son montage sur son film pour le lycée qu’il fera paniquer son camarade Logan, refusant cette représentation presque déifiante de sa personne. Il lui pardonnera malgré tout, le film l’ayant aidé à renouer avec sa petite amie.
          Sammy verra également l’émotion de ses parents, notamment celle de son père devant son court-métrage de guerre, dont les techniques employées sont de plus en plus travaillée.

          Une deuxième définition du cinéma est alors offerte par Spielberg par l’intermédiaire de Mitzi. Celle le présentant comme un art. Un art qui interroge, fait réagir, choque et émeut. Un art qui peut avoir un impact sur la réalité, alors même que la réalité influence cet art.

The Fabelmans

ALLER AU CINÉMA

          Après ces explications sommaires devant la salle, on retrouve Sammy à l’intérieur de celle-ci, découvrant les images en mouvement de Sous Le Plus Grand Chapiteau du monde (Cecil B. De Mille – 1952). L’impact de l’oeuvre, mais surtout de la scène d’accident de train sur ses yeux à la fois apeurés et émerveillés, sera capitale. En rentrant chez lui, il sait déjà ce qu’il souhaite pour Hanoucca, un train miniature. Train qu’il filmera avec la caméra de son père, essayant de reproduire l’accident fictif qu’il a vu.
          Cette première projection est un déclencheur, la naissance d’une passion dévorante. Le regard ébahi de Sammy au milieu de cette salle comble dit presque tout de son amour naissant pour le septième art. À cet amour du cinéma succèdera l’envie d’en reproduire les codes et les artifices. À cette envie succèdera le besoin de filmer, d’abord sa famille puis plus tard des comédiens.

          Une seconde et ultime projection sera montrée, celle de L’Homme qui tua Liberty Valance (John Ford – 1962). Celle-ci aura également un grand impact sur Sammy, qui s’en inspirera pour réaliser un western avec ses camarades boy-scouts. Ce film lui fera faire ses premiers effets spéciaux (en trouant la pellicule pour créer des projections de balles avec un pistolet), et sera le début pour lui d’un apprentissage plus complet de la mise en scène et du montage. Car en s’emparant d’un genre matriciel et extrêmement codifié, il devra redoubler d’efforts pour comprendre et assimiler ce genre, afin d’aboutir à un film cohérent et crédible aux yeux de son public (qui ne manquera pas de l’apprécier).

          Ces expériences de la salle vécues par Sammy permettent déjà sobrement de montrer le point de chute de la machine cinématographique. Il nous rappelle par ce simple cadre que le cinéma est également une industrie ayant pour objectifs le succès et la rentabilité.
          Mais ce lieu est surtout pour Spielberg une sorte de temple qui, grâce aux oeuvres d’auteurs célèbres, en a vu naître un nouveau. Quelque part, il n’y a pas de cinéastes sans cinéastes.

Steven Spielberg

CINÉMA ET RÉALITÉ

          La beauté de The Fabelmans réside pour partie dans cette définition complète du cinéma, présente sous ses trois facettes majeures (technique, artistique, commerciale) et ce, dès sa scène d’ouverture.
          En quelques plans introductifs, Steven Spielberg nous présente le cinéma dans sa pluralité, nous annonce la fascination naissante du jeune Sammy pour cet art, son langage ET commence doucement à nous faire comprendre sa place complexe entre ses deux parents, chacun guidé par une appréhension du monde différente.
           Car on touche ici à l’un des thèmes majeurs de l’oeuvre : l’influence du réel sur le cinéma confrontée à l’impact du cinéma sur le réel.
           Comme évoqué plus tôt, Sammy découvre plusieurs fois l’effet qu’ont ses créations sur son entourage. Cependant les événements de sa vie et son rapport aux autres ont également un rôle majeur dans son travail artistique. Spielberg dit lui-même que le divorce de ses parents l’a énormément affecté. Et si on y regarde de plus près, le rapport à la figure paternelle, qu’elle soit absente ou présente, est une thématique récurrente dans sa filmographie.

          Et c’est ce qui m’a profondément bouleversé dans cette proposition autobiographique du cinéaste. Sammy capte le réel, il s’en nourrit et en crée une forme de langage pour communiquer avec les autres. Spielberg se représente comme un être quasiment incapable de communiquer ou exprimer ses sentiments autrement que par les images et leur montage. Il perturbe ses camarades de classe grâce à son film pour le lycée et se venge ainsi de ses persécuteurs, il réalise un court métrage de guerre pour faire honneur à son père.
          Mais surtout, il crée un petit film levant le voile sur la liaison de sa mère avec Bennie au camping. Incapable de lui dire ce qu’il a découvert et qui le hante, il devient insolent, froid et colérique avec elle. Le seul moyen qu’il trouve pour se libérer de ce poids est lui montrer les images qu’il a rassemblées.

Spielberg

          Avec The Fabelmans, Spielberg ne rend pas un simple hommage au cinéma comme tant d’autres cinéastes, il dresse un portrait, le sien. Celui d’un homme puisant dans tout ce qui l’entoure pour faire du cinéma, afin de lui permettre de dire quelque chose, de communiquer.
          Puisqu’il ingurgite le réel et en fait ressortir une vision, Spielberg n’est pas un simple individu avec une caméra, il devient une caméra. Il se confond avec le cinéma, fait corps avec lui, comme lorsqu’enfant, il reçoit le faisceau du projecteur entre ses mains.

          C’est avec un geste plein de malice qu’il clôturera son film, affirmant s’il était nécessaire sa présence au coeur de son oeuvre, qu’il signe d’un mouvement de caméra.

EN BREF

The Fabelmans est un sublime retour en arrière, justifiant tout ce qu’on connait de Steven Spielberg. C’est une oeuvre personnelle, sensible, généreuse et sincère sur la vie d’un homme qui ne s’exprimera jamais aussi bien qu’au travers du septième art. 
Plus qu’une simple “lettre d’amour au cinéma”, c’est bien l’autoportrait d’un artiste au crépuscule de sa carrière, mais qui n’a pas perdu sa force et sa malice. Bouleversant. 

5/5

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