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     Suite à un succès plutôt inattendu dans les salles états-uniennes, le thriller horrifique Barbare est sorti en France le 26 octobre dernier sur Disney+. Retour sur une des propositions les plus intéressantes de la plateforme de streaming.

     Tess (Georgina Campbell) est de passage à Détroit pour un entretien d’embauche et loue une maison via Airbnb dans le quartier décrépit de Brightmoor. Or la maison est déjà occupée par Keith (Bill Skarsgård), qui l’a réservée sur la même période. Malgré les efforts du jeune homme pour se montrer rassurant, Tess reste prudente et se méfie des intentions de ce dernier…

     Digne héritier de Get Out, tant par son détournement des gimmicks du genre que par sa charge politique sous jacente, Barbare est une belle surprise. Zach Cregger nous balade du thriller psychologique au film de maison hantée de manière très astucieuse, jouant constamment avec nos attentes par le biais de ruptures de tons bien senties.
     Il met en scène un personnage féminin ne prenant jamais de décisions idiotes et qui ne se mettra en danger que par altruisme. De là on comprend que Tess ne se jettera pas dans la gueule du loup juste pour faire avancer le scénario. Les actes de la jeune femme sont plausibles, ce qui rend d’autant plus terrifiante l’idée qu’il lui arrive malheur.

     Via l’utilisation très habile de la profondeur de champ, le long-métrage sollicite constamment notre regard sur les menaces potentielles entourant notre héroïne. Alors que l’on focalise notre attention sur l’inquiétante présence de Keith dans la maison, les nombreuses lignes de fuite nous perdent et nous rendent plus vulnérables aux mécanismes visant à nous effrayer.
     Tandis que les effets classiques du cinéma d’épouvante sont utilisés pour éteindre des menaces que l’on croyait crédibles, c’est bien la place prise par l’arrière-plan qui nous inquiète et finit par nous obséder.

ATTENTION ! À PARTIR DE MAINTENANT, ÇA SPOILE SÉVÈRE

     En explorant les défaillances de la société états-unienne, le film nous montre que l’horreur de l’histoire réside peut-être ailleurs que dans l’habitation. Les sources de frayeur sont effectivement partout, du lugubre quartier de Détroit à la présence d’un inconnu chez soi, le répit n’existe pas. Cregger admet que la peur d’une jeune femme confrontée à un inconnu dans un quartier inhospitalier est obligatoire, voire nécessaire. L’inaction de la police est quant à elle devenue une habitude.

     Ainsi, lorsqu’elle fait face aux dangers qui guettent, elle sera prémunie contre toute action inconsciente. Tout le contraire de ses homologues masculins, le premier fonçant tête baissée malgré les mises en garde de Tess, le second, coupable de viol, ne voit quant à lui aucun des signes évidents du péril à venir.
     Elle est malheureusement habituée, quotidiennement, à regarder derrière son épaule, mais c’est justement ce qui la rend plus forte, plus prudente et ce qui la fera survivre. La seule fois où elle frôle la mort, c’est justement par l’intermédiaire d’un homme (Justin Long) qui la trahit.

     La réputée « final girl » du genre des Slasher était souvent sauvée par sa virginité, son asexualisation ou son intelligence. Elle se distinguait du stéréotype de la femme sexualisée qui prévalait ailleurs. Ici, ce serait presque le contraire. Les conséquences de l’ultra sexualisation de la femme dans la société obligent Tess à adopter des mécanismes de défense qui lui permettront d’échapper au pire.
     C’est peut-être pour cette raison que la véritable menace émerge toujours d’où on l’attend. Le cinéaste joue avec les codes du genre horrifique, convoquant notre peur du noir, de ce qui se tapit dans l’ombre ou dans le hors-champ alors qu’il suffit d’observer les signes avant-coureurs du danger, toujours sous nos yeux, pour deviner ce qu’il va advenir.

     Malgré toutes ses qualités cinématographiques et son propos très intéressant sur la représentation de la femme de 2022 au cinéma, Barbare n’évite cependant pas l’écueil de la sur-explication dans son dernier acte. Pourquoi et comment est né le monstre qui hante la maison ? C’est une question qui aurait selon moi dû garder son mystère, la puissance évocatrice des antagonistes et de leur irruption à l’image suffisant à comprendre où le récit souhaite nous mener.

     Ceci étant dit, Barbare reste un geste audacieux de la part de son créateur et de la Fox, montrant qu’on peut faire évoluer le genre en mettant en scène les dérèglements de notre monde. Car ce sont ces derniers qui sont les éléments les plus effrayants de l’histoire. C’est néanmoins l’habitude d’y être confrontée qui fera subsister Tess, rendant l’issue de l’œuvre beaucoup plus désabusée qu’il n’y paraît. 

EN BREF

Barbare est un film audacieux, au propos politique intelligemment mis en scène et toujours au service du récit. Héritier de Get Out, le long-métrage joue avec les codes, nos nerfs et nos attentes, aboutissant sur une note un peu trop illustrative, qui n’enlève cependant rien à ses qualités de narration et de mise en scène.

4/5

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