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     Pour la deuxième fois cette année, Quentin Dupieux nous offre un petit bonbon à déguster dans nos salles. Après le tunnel rajeunissant et les bites électroniques, il s’essaie avec Fumer Fait Tousser au pastiche du Sentai (séries télévisées japonaises pour enfants), mais pas uniquement. 

     Les justiciers de la Tabac Force, avant d’affronter l’ennemi le plus dangereux qu’ils aient connu, partent en retraite afin de resserrer les liens du groupe. En attendant les instructions de leur chef Didier (Alain Chabat), ils se racontent des histoires terrifiantes autour d’un feu de camp. 

     Après une ouverture parodiant autant les Sentai qu’elle ne leur rend hommage, Fumer Fait Tousser rompt la dynamique qui commençait à s’installer et octroie à ses personnages un repos bien mérité. Le film laisse place au feu de camp, autour duquel Benzène, Methanol, Nicotine, Mercure et Ammoniaque vont tenter de s’effrayer par des histoires incroyables mais vraies. 
     On se retrouve ainsi au coeur d’un film à sketchs où chaque segment aurait pu donner vie à un long-métrage. Toutefois il ne faut pas se méprendre. Le côté « fourre-tout » du scénario est moins une paresse d’écriture qu’une manière habile de nous immerger au sein d’un univers plus complexe qu’il n’y paraît. 

     L’un de ces segments nous raconte l’histoire d’Agathe (Doria Tillier), qui se trouve en vacances avec son conjoint et un autre couple. Un jour, elle enfile un « casque à penser » datant des années 30. Coupée du monde extérieur, ses pensées ne s’arrêtent plus et elle découvre qu’elle est entourée d’imbéciles. Elle n’a alors d’autre choix que de tuer tout le monde car, comme elle le répète à maintes reprises, « il faut que ça cesse ». 
     Cette phrase devient presque le leitmotiv de l’oeuvre dans son ensemble. Or c’est peine perdue.

     À l’instar des membres de la Tabac Force qui se sentent invincibles, rien ne finit jamais. De cette absence de finalité naît une forme de désabusement des protagonistes, d’où leurs réactions absurdes et extrêmes. 
     Comme Tony (Blanche Gardin), exaspérée par son neveu qui ne veut visiblement pas mourir. Mis en morceaux par une broyeuse, le gamin ne cesse de dire qu’il va bien, jusqu’à ce qu’il ne reste que sa bouche, qui lui permet malgré tout de converser avec sa tante. 

     Le cinéaste éclate son récit afin de nous présenter plus amplement l’univers dans lequel il souhaite nous faire pénétrer. Un monde où le dénouement est absent, un monde où rien n’a de sens. Le « no reason » de Rubber n’est pas loin. 

     Les personnages de Dupieux, comme à leur habitudes, vivent dans un monde chaotique en suspens, où l’idée même de fin paraît inespérée. « Il faut que ça cesse ». Tout est constamment interrompu, nous laissant sur notre faim. 
     Son cinéma est un purgatoire habité par des individus attendant une mort qui ne vient pas. La tragédie de leur situation se transforme en malaise, qui peu à peu laisse place aux rires. Ces derniers sont bien aidés par des dialogues écrits avec soin et interprétés par un casting toujours plus fourni en talents. 

     Le film vous laissera sans aucun doute une impression d’incomplétude, et c’est ce qui fait selon moi son intérêt. Il est bon d’être confronté à une formule légèrement différente des scénarios ciselés qui dominent, où on trouve une introduction, un développement et une conclusion. Ici, il y a un début à tout et une fin à rien. 

EN BREF

Fumer Fait Tousser est une petite pépite qui continue de développer l’univers drôle et malsain de Quentin Dupieux. Doté d’un casting parfait au service de dialogues savamment écrits, le film rejoint son compère Incroyable Mais Vrai au rang des meilleures comédies de l’année. 

4/5

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